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piquillo alliaga.

Piquillo saisit un couteau qui était sur la table et se leva.

— Mon frère, mon frère ! moi, je te regarde comme tel ! et vous, mon père, vous ne me désavouerez pas !

— Non, Yézid, non, mon fils, j’aurais gardé chez moi, j’aurais adopté l’enfant d’Alliaga, à plus forte raison, celui que tu nommes ton frère !

Piquillo tomba à leurs genoux, pressant contre ses lèvres leurs mains qu’il baignait de ses larmes.

— Sois le bienvenu parmi nous ! s’écria le vieillard. Si le ciel nous abuse, ton cœur du moins ne nous trompera pas ! Aime Yézid comme ton frère, car c’est le plus noble et le plus généreux des hommes.

— Je le sais, je le sais ! s’écria Piquillo.

— Jure-moi de le respecter comme l’aîné, comme le chef de la famille, de le défendre et de mourir pour lui, s’il le faut.

— Je le jure !

— C’est ton devoir, mon fils.

— Et ce devoir, je le remplirai. Je vous le jure devant Dieu et devant vous ! je le jure par l’honneur, par le nom sacré que vous me permettez de vous donner ! ce nom, ajouta-t-il en hésitant, que ma bouche n’ose encore prononcer.

— Et que j’attends, répondit le vieillard en souriant.

— Mon père ! s’écria Piquillo.

Delascar le reçut dans ses bras, et Yézid, le faisant asseoir entre eux deux, le traita dès ce moment comme le fils de la maison, comme l’enfant de retour, sous le toit paternel, après un long voyage.

— Voyons, frère, lui dit-il, raconte-nous ce qui t’est arrivé pendant ton absence.

Et Piquillo attendri, Piquillo, qui comprenait tout ce qu’il y avait de délicat et de généreux dans chaque mot d’Yézid, se mit à raconter tout ce qu’il se rappelait de sa vie, jusqu’à leur rencontre dans la sierra de Moncayo ; comment quelques paroles d’Yézid avaient contribué à le diriger dans la bonne voie, et à faire de lui un honnête homme ; comment, par malheur, il n’avait pu profiter de ses offres généreuses.

— Je le crois bien ! s’écria Yézid ; vous rappelez-vous, mon père, la bourse et les tablettes qui m’ont