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piquillo alliaga.

Elle souleva la première tapisserie, et au moment où elle allait écarter la seconde, elle entendit prononcer son nom.

Les renseignements qu’il avait acquis par Piquillo s’étaient trouvés tous exacts. Lui et Sandoval ne pouvaient se dissimuler que ce moine inconnu et obscur les avait mieux servis que leurs amis les plus dévoués. C’était lui qui les avait sauvés, et ce qui redoublait leur étonnement, c’est que ce moine, humble et modeste, sans intrigue comme sans ambition, se tenait à l’écart et semblait prendre à tâche de s’effacer, lorsque la faveur dont il jouissait près du roi, et surtout près de la reine, aurait pu le porter au premier rang.

Ignorant surtout les liens qui l’attachaient à Aïxa, le ministre et le grand inquisiteur le regardaient comme un auxiliaire utile dont ils ne se servaient pas, mais dont ils pouvaient se servir.

L’occasion ne tarda pas à se présenter.

Ainsi que l’avait prévu et espéré l’habile supérieur de la Compagnie de Jésus, on venait d’apprendre la mort du cordelier frey Gaspard de Cordova.

Il fallait lui donner un successeur.

C’était là le but des visites secrètes que le père Jérôme faisait au roi. Il comptait faire nommer à cette place de confesseur quelqu’un de son ordre. Il avait déjà parlé, comme nous l’avons vu, du frère Escobar, que le duc d’Uzède soutenait de tout son pouvoir, manœuvres auxquelles s’opposaient le ministre et surtout le grand inquisiteur, qui voulait cette fois que le confesseur du roi fût pris dans l’ordre de Saint-Dominique.

Il proposa donc un cousin à lui.

À sa profonde surprise, le roi eut le courage inouï, pour ne pas dire l’audace, de refuser. À son tour, et dans son dépit, l’inquisiteur eut l’insolence de repousser nettement Escobar, que le roi lui avait désigné.

Or, comme le consentement royal et l’approbation du saint-office étaient également nécessaires, il n’y avait pas moyen de mettre fin à ce débat, et le roi courait risque de rester sans confesseur, ce qui eût été le plus grand des scandales.

Le duc de Lerma pensa à Piquillo, qui lui était dévoué, et dont l’humilité et la modestie lui convenaient