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piquillo alliaga.


Vous n’osez pas ! dit le ministre en se plaçant devant lui.

— Ne pensez qu’à vous, général, lui répondit froidement Alliaga ; je suis prêt à mourir.

— Et nous donc ? répliqua en souriant Mexia ; n’y sommes-nous pas toujours prêts ? Je vous le disais encore tout à l’heure, c’est notre état, mon révérend ! Mais vous, c’est autre chose, vous pourriez pâlir, vous en avez le droit, et vous n’en usez pas, dit-il en posant sa main sur le cœur d’Alliaga. Il est aussi calme que le mien. Ah ! continua-t-il sans changer de ton ni de visage, nos pauvres soldats n’ont pu résister longtemps. La porte est brisée ; voici l’ennemi. Diégo, vous êtes blessé, appuyez-vous sur moi ; il faut mourir debout et le front levé.

Les deux Espagnols tirèrent leur épée. Mais Alliaga se précipita devant eux au moment où, comme un flot débordé, les Maures s’élançaient dans la chambre.

— Feu sur le moine ! crièrent-ils en voyant Piquillo, qui de ses bras étendus protégeait ses deux compagnons.

Son capuchon était rejeté sur ses épaules ; sa tête était nue, et il s’offrait le premier, sans défense et sans armes aux coups des meurtriers.

Déjà un Maure avait armé une espingole et le couchait en joue, lorsqu’un jeune homme, d’une haute stature et qui semblait le chef de la troupe, écarta rapidement l’arme fatale, dont le coup partit et alla briser une des croisées.

— Arrêtez ! s’écria le Maure d’une voix foudroyante, que personne ne touche à cet homme, et qu’on le respecte comme Yézid lui-même !

— Oui… oui, s’écrièrent plusieurs voix dans la foule, c’est notre sauveur ! c’est frey Alliaga !

Et malgré le sang et la poussière qui couvraient ses traits, Piquillo crut reconnaître dans celui qui avait parlé le premier Alhamar-Abouhadjad, le fidèle serviteur de Yézid, celui que dernièrement il avait rencontré avec Gongarello au pouvoir de l’alguazil Cardenio de la Tromba.

Alhamar fit un signe de la main : tous ses compagnons sortirent de la chambre. Il n’y resta que Diégo