Nous n’avons plus de patrie, s’écriait cette multitude éplorée.
Faxardo, qui, affaibli par ses blessures, venait de
perdre connaissance, et le général, qui s’empressait de
le secourir ; tous les deux étaient à une extrémité de
l’appartement ; à l’autre, Alliaga et Alhamar se tenaient
debout et parlaient à voix basse.
— La dernière fois que je t’ai vu, disait Alhamar, tu nous as appelés frères ! et tes frères sont venus te secourir ; je t’avais bien dit que nous nous retrouverions.
— Merci, frère, répondit Alliaga en lui serrant la main.
— Que puis-je encore pour toi ?
— Épargner ces deux Espagnols, qui voulaient me défendre.
— Quel que soit leur nom ou leur rang, ils ne risquent rien, ils sont sauvés.
— C’est bien, dit Alliaga ; maintenant cours délivrer nos frères du village de Bardero qui sont enfermés dans la grange de l’hôtellerie.
— J’y cours.
— Un mot encore : quoique victorieux, ne reste pas longtemps dans Carascosa ; des détachements nombreux sont postés aux environs, et au premier bruit de cette expédition, ils vont accourir.
— Ne crains rien : nous ne sommes descendus dans la plaine que pour y enlever des provisions et des vivres qui nous manquent ; nous avons saisi plusieurs troupeaux que nous emmenons, et, d’après l’ordre d’Yézid, nous remontons cette nuit même auprès de lui à la montagne.
— À la bonne heure ; mais il faut absolument que je voie Yézid, que je lui parle. Comment faire ?
— Il ne peut nous quitter ni venir te joindre.
— Mais moi, je puis l’aller trouver.
— Tu oserais venir à la montagne ?
— Sans doute ; mais non pas aujourd’hui ni avec vous.
— Eh bien ! demain à la nuit tombante.
— Soit. J’irai seul.
— Je t’attendrai aux trois roches blanches. Mais qui pourra te conduire jusque-là ?