Page:Scribe - Piquillo Alliaga, ou Les Maures sous Philippe III, 1857.djvu/63

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
57
piquillo alliaga.


toute la chaleur d’un cœur dévot qui cherche le ciel sur la terre, avec des expressions pieusement tendres et passionnées, il la supplia de rester.

Au bout de quelques instants, elle crut entendre des voix de femme dans un bosquet.

— Vous me promettez donc, sire, dit la reine en s’arrêtant, de ne consulter que votre cœur et non le duc de Lerma ?

— Je vous le jure !

— Vous ne lui direz rien de tout ce qui va arriver ?

— Je le jure ! je le jure ! s’écria le roi avec béatitude.

— Vous jurez, de plus, de m’obéir et de faire tout ce que je vais vous demander ?

— Je le jure ! dit le roi tremblant d’impatience.

— Par Notre-Dame del Pilar et Notre-Dame d’Atocha ? dit la reine en souriant.

— Non, non, mais par vous, par mon amour !

— À la bonne heure ! Relevez-vous donc, sire.

— Eh bien ! que m’ordonnez-vous ?

— D’écouter le mémoire que je vais vous lire.

— Un mémoire ! s’écria le roi avec effroi, ce n’est pas possible.

— Eh ! si vraiment, un mémoire. Voyez plutôt.

— Et il y a quatre pages, encore ! d’une écriture très-fine.

— Que vous importe, puisque c’est moi qui lis.

— Cela n’en finira jamais, madame… Nous le lirons… plus tard !

— Non, sire, d’abord.

— Mais ce sera éternel !

— Je lirai le plus vite possible.

— Je suis trop ému… trop troublé… Je ne pourrai pas y prêter l’attention nécessaire.

— Rassurez-vous, je recommencerai.

— Ah ! s’écria le roi avec rage, vous avez juré de me désespérer !

— Non, sire, mais de vous rendre heureux.

— Est-il possible !

— En vous forçant de faire une bonne action, dont vous me remercierez, dont vos sujets vous béniront, et dont le ciel vous récompensera.

Le roi ne pensait pas au ciel dans ce moment ;