Page:Scribe - Piquillo Alliaga, ou Les Maures sous Philippe III, 1857.djvu/95

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
89
piquillo alliaga.

Pourquoi as-tu pris ce qu’il y avait dans ce plat ?

— Vous ! il serait possible ! vous auriez ce crédit ?

— Dès aujourd’hui si vous voulez, si cela vous convient.

— Parlez, parlez, je suis prêt, tout me conviendra.

— Eh bien, nous sommes parfumeur de la cour ; c’est chez nous que beaucoup de grands seigneurs, entre autres le duc d’Uzède, font leurs emplettes ordinaires. À l’instant même nous recevons de lui une commande.

La voici, lui dit-elle en lui montrant un papier. Il nous prescrit de lui envoyer le plus promptement possible à Valladolid, où il vient de se rendre, une caisse de parfums et de cosmétiques que l’on ne remet d’ordinaire qu’à lui-même, et nul doute qu’on ne fasse entrer sur-le-champ, dans ses petits appartements, la personne chargée par nous de cet envoi. Comprenez- vous ?

— Ah ! s’écria Piquillo, qui répugnait à se présenter ainsi pour la première fois devant son père, n’avez-vous pas d’autre moyen ?

— Aucun autre ! Celui-ci vous assure l’entretien particulier que vous désirez, car il y aura, dans cette caisse, certaine fiole que Son Excellence ne fait voir à personne !

— Comment cela ?

— Le duc, lui dit-elle à voix basse, a de fort beaux cheveux… des cheveux très-noirs qui ne le sont pas toujours ! nous seuls en connaissons le secret, et il reçoit d’ordinaire sans témoin ceux qui viennent de notre part. Voyez, décidez-vous.

Piquillo hésita longtemps ; mais, comme l’avait dit Cazilda, il n’y avait pas d’autre moyen. D’ailleurs le tout était d’arriver près du haut et puissant seigneur, et dès que celui-ci saurait la vérité, pourrait-il ne pas pardonner une pareille ruse ?

— Merci, dit-il à Cazilda, merci du service que vous me rendez. Non-seulement vous ne vous en repentirez pas, mais si je réussis comme je l’espère, je ne vous oublierai jamais, et je me flatte même que le duc d’Uzède vous en saura gré.