Page:Scribe - Théâtre, 13.djvu/422

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ALCÉE.

Je suis anéanti, confondu, c’est la vérité !… Mais c’est inoui, inconcevable…

LE COMTE.

Pas plus que beaucoup d’autres choses qui maintenant paraissent toutes simples, et auxquelles jadis on n’eût jamais ajouté foi. Car, vois-tu bien, l’homme appelle impossible tout ce qu’il ne comprend pas !… Si, il y a quelques centaines d’années, on leur avait parlé de s’élever dans les airs, ils auraient crié au sorcier, ils auraient brûlé Montgolfier ; et maintenant une ascension de Garnerin ou de Robertson leur paraît si naturelle, qu’ils ne daignent plus même lever la tête pour la regarder. Et dans vingt-trois ans, quand on aura découvert le secret de diriger les ballons…

ALCÉE, vivement.

Dans vingt-trois ans ?

LE COMTE.

Oui, le 10 février 1856. Tout le monde trouvera ce secret-là si simple, qu’on ne s’étonnera plus que d’une chose, c’est de ne pas l’avoir découvert plus tôt. Et même de nos jours, il y a quelques années, si chez toi, le matin, pendant que tu prenais du thé, un homme était venu ; qu’il t’eût dit, en te montrant cette fumée, cette légère vapeur qui s’échappait de la théière : « Avec cette puissance, je remuerai des masses ; je les ferai mouvoir constamment ; je ferai voguer des vaisseaux sur l’Océan, rouler sur la terre des chars pesans, immenses, qui devanceront les plus rapides coursiers… » tu aurais dit comme aujour-