Page:Scribe - Théâtre, 13.djvu/423

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d’hui : C’est un fou, un extravagant, et tu aurais cherché à le confier à ton médecin…

ALCÉE.

Ah ! monsieur…

LE COMTE.

Et combien d’autres secrets l’homme ne peut-il pas encore arracher à la nature ? il n’en est pas que le temps, la patience et l’étude, ne lui fassent découvrir… Mais, hélas ! et j’en ai fait la triste expérience… en devenant plus savant, en augmentant la masse de ses connaissances, l’homme n’augmente point celle de son bonheur : au contraire, il en diminue les chances, et mes jours, que j’ai trouvé le secret de multiplier et de prolonger, ne m’offrent plus maintenant que triste réalité, ennui et dégoût ! Les illusions qui te charment n’existent plus pour moi ; on ne peut plus me tromper, je ne peux plus m’abuser moi-même… j’ai perdu l’erreur et l’espérance, ces deux mensonges de la vie, par qui l’on est heureux.

ALCÉE.

Vous détestez donc les hommes ?…

LE COMTE.

Non ; l’un n’est pas plus méchant, plus envieux, plus intéressé que l’autre ; ils sont tous de même. Il en est un cependant, un seul, je te l’ai dit ; et celui-là peut compter sur moi, sur mon amitié, sur mon dévouement… jusqu’au moment où il deviendrait comme les autres…

ALCÉE.

Ah ! si je le croyais…