Page:Scribe - Théâtre, 15.djvu/457

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M. DE COURCELLES.

Désolant ! l’expression est charmante, il n’y a que moi qui cherche à vous faire oublier vos chagrins, à vous consoler…

MADAME DE BLANGY.

Voilà justement ce qui me met en colère contre vous ! vous savez que je n’ai qu’un plaisir, qu’un bonheur au monde, celui de m’affliger, et vous voulez le troubler.

M. DE COURCELLES.

Encore faut-il de la modération, même dans ses plaisirs, et quand depuis une année entière…

MADAME DE BLANGY.

Quoi, monsieur, après une perte pareille, vous ne croyez pas à une douleur profonde, éternelle ?…

M. DE COURCELLES.

Profonde, oui ; éternelle, non.

MADAME DE BLANGY.

Et pourquoi ?

M. DE COURCELLES.

Parce que… heureusement ce n’est pas possible ; le ciel est trop juste pour le permettre. La santé, la jeunesse, le plaisir, rien n’est stable dans la nature humaine ; aucune de nos affections n’est durable. Pourquoi la douleur le serait-elle ? Il n’y aurait pas de proportions. Bien plus, je lisais l’autre jour, dans La Bruyère, cette pensée que voici, ou à peu près : « Si, au bout d’un certain temps, les personnes que nous avons aimées et regrettées le plus, s’avisaient de