Page:Scribe - Théâtre, 21.djvu/468

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TIMOTHÉE.

Il peut se passer de moi, ce matin… Il a une vingtaine de commis ; il en a plus que de pratiques. Et moi, je n’ai qu’un ami, qu’un frère ; je n’ai que toi de famille… Et dès que nous sommes séparés, je n’ai plus de gaieté, plus de plaisir ; je tourne au spleen, je suis malade… Mais je t’ai vu, ça va mieux !

JAPHET.

Mon pauvre Timothée, je crois qu’il m’a fallu aussi toute ma raison, pour prendre un parti semblable…

TIMOTHÉE.

Oui, je sais bien comme toi que, chacun de notre côté, nous devons travailler, qu’il faut se faire un état… Quand on n’a ni fortune, ni parens… Pauvres petits malheureux, exposés tous les deux, le même jour, il y a vingt-quatre ou vingt-cinq ans, aux Enfans-Trouvés ; frères de hasard et de rencontre…

JAPHET.

Depuis, frères de cœur et d’amitié…

TIMOTHÉE.

C’est là que nous nous sommes vus pour la première fois… Moi, Timothée, avec une assez piteuse mine et de misérables haillons ; mon camarade Japhet, avec un beau fourreau de soie, et un visage rayonnant de prince… Moi, fils de quelque porte-balle de la cité ; toi, enfant de quelque lord qui, partant pour l’Amérique, n’avait pas eu le temps de te chercher un gouverneur.

JAPHET.

Tais-toi, tais toi…