Page:Scribe - Théâtre, 6.djvu/303

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MARGUERITE.

Mais quelle idée de sortir à une pareille heure, au lieu de venir auprès de moi, qui suis si heureuse de vous voir ? Car, depuis hier votre arrivée, à peine ai-je pu vous parler ce Gaveston était toujours là.

ANNA.

Tu as raison ; d’autres idées qui m’occupent… Pardonne-moi, ma bonne Marguerite.

MARGUERITE.

Qu’êtes-vous devenue ? que vous est-il arrivé depuis que cette noble famille a quitté ces lieux ? depuis le jour où vous suivîtes la comtesse d’Avenel, où son mari alla rejoindre l’armée des montagnards, et où mon petit Julien fut embarqué pour la France, avec ce vilain gouverneur, dont je me défiais ?

ANNA.

Hélas ! mon compagnon d’enfance, Julien, a disparu, et l’on ignore son destin ; son père vient de mourir dans l’exil, et la comtesse d’Avenel, retenue long-temps dans une prison d’état…

MARGUERITE.

Ô ciel !

ANNA.

Je l’ai suivie, Marguerite, je n’ai point quitté ma bienfaitrice ; pendant huit ans je lui ai prodigué mes soins, j’ai tâché de mériter le nom de sa fille qu’elle me donnait ; mais à sa mort, quelle différence ! il fallut suivre ce Gaveston qu’on avait nommé mon tuteur. Et dans un voyage où je l’accompagnai il y a trois mois sur le continent, il m’avait laissée pour quel-