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Scène III.

GUIDO, seul.

Elle est sortie ! elle me laisse enfin ; et maintenant que je suis seul, dirai-je la cause de mes tourmens ? (S’avançant au bord du théâtre comme pour parler, et s’arrêtant.) Je ne la dirai pas, et l’objet même de ma passion l’ignorera toujours. Ô Guido ! Guido ! réfléchis un peu. Un amour que tu n’oses avouer, n’est-il pas un amour criminel ? Non, ce n’est pas un crime ; ce n’est qu’une passion ; et, quand je dis une passion, ce n’est pas une passion. C’est une idée, une simple idée ; et encore je l’appelle une idée, parce qu’il faut lui donner un nom ; car, sans cela, ça n’en aurait pas ! Voilà donc, Guido, où t’a conduit la haine de l’espèce humaine ! Tu es devenu un maniaque, un idéologue, et la seule définition que tu puisses donner de toi-même, c’est qu’il est impossible d’être plus bête ! Oui, je le suis ; rien ne peut me justifier ! et cependant, je ne suis pas plus bête que toi, ô Pygmalion ! qui adorais une statue : comme toi, j’éprouve un amour désordonné et incompréhensible ; comme toi, je brûle, et je brûle sans espoir ; comme toi, mais raison de plus, et comme tu le dis si bien, ô docteur Faust, ô mon maître ! si c’était possible, si c’était raisonnable, ce ne serait plus une passion. (S’approchant du lit de repos qui est au fond.) Elle est là… qu’elle est gracieuse et gentille ! sa petite tête posée sur sa petite patte ! pauvre petit