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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/104

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Sa croyance n’eſtoit pourtant pas ſi affermie, qu’il n’y euſt pluſieurs inſtans, où elle changeoit d’opinion : elle reſolut pourtant, quoy qu’il en pûſt eſtre, de ne rien dire de tout ce qui luy eſtoit arrivé : car, diſoit elle, ſi Perinthe aime Panthée, il eſt bien aſſez malheureux, ſans que j’aille encore l’accabler, en diſant inconſiderément à la Princeſſe, ce qu’il ne luy dira peut-eſtre jamais : & ſi la choſe eſt comme il me l’a ditte, je ne veux point non plus en parler : puis que ſelon les aparences en ne diſant pas une choſe agreable à la Princeſſe, je ne laiſſerois pas de nuire à Abradate, que j’eſtime infiniment. Perinthe de ſon coſté, eſtoit fort ſatisfait du menſonge qu’il avoit inventé : & en effet pour l’avoir trouvé avec tant de precipitation, il eſtoit aſſez adroit. Car ſi Doraliſe luy gardoit fidelité & n’en parloit pas, il eſtoit en repos : & ſi elle en diſoit quelque choſe à la Princeſſe, il eſperoit que croyant que le Prince ſon Pere deſaprouvoit l’amour d’Abradate, elle l’eſloigneroit peut eſtre avec adreſſe. Ainſi le reſte de la promenade ſe fit ſans chagrin : car à parler ſincerement, la Princeſſe dans le fonds de ſon cœur n’eſtoit pas marrie qu’Abradate l’aimaſt. Ce Prince de ſon coſté, penſoit avoir obtenu une tres grande faveur, que d’entendre de la bouche de Panthée, que Mexaris n’eſtoit pas ſi bien dans ſon eſprit que luy : Perinthe croyoit auſſi eſtre eſchapé d’un danger effroyable, d’avoir pû cacher ſon amour, qu’il avoit deſcouverte ſi imprudemment : de ſorte qu’il n’y avoit que Doraliſe qui euſt quelque legere inquietude, de ne pouvoir ſe determiner, ſur ce qu’elle devoit croire de Perinthe. Depuis cela, Abradate ne pût plus parler en particulier à Panthée : & il falut qu’il ſe contentaſt de luy dire adieu devant tant de monde, qu’à peine oſa