Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/161

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pourtant un fort honneſte homme, reprit Perinthe ; il eſt vray dit elle, mais comme il l’eſtoit ſans doute devenu aimant la Perſonne qu’il avoit eſpousée, qui en effet eſtoit très belle & tres aimable, il ne m’eſt nullement propre ; puis que j’en veux un qui n’ait jamais rien aimé que moy. Comme elle achevoit de prononcer ce dernier mot, Andramite arriva : qui s’aperçeut aiſément que les ſoins de Perinthe ne luy eſtoient pas favorables : car Doraliſe qui avoit l’eſprit irrité, ſans pouvoir bien preciſément dire pourquoy, le railla cruellement ce jour là ; & d’autant plus, qu’elle vit que la Princeſſe y prenoit plaiſir.

Quelque temps apres eſtant arrivé du monde, & Andramite l’entretenant tout bas, elle le reduiſit aux termes de luy proteſter qu’il n’avoit jamais aimé qu’elle, non pas meſme la Femme qu’il avoit eſpousée. Ha Andramite s’eſcria t’elle, comment me pourriez vous donc aimer, moy, dis-je, qui ne ſuis ny ſi belle ny ſi aimable qu’elle eſtoit ? il voulut alors luy dire que c’eſtoit parce qu’il l’avoit aimée dés ce temps là, & qu’il ne s’eſtoit marie que par le commandement de ſon Pere ; mais cela ne ſervit à rien : car trouvant quelque choſe de plaiſant, de l’avoir obligé à luy dire qu’il n’avoit jamais aimé la Perſonne qu’il avoit eſpousée ; des qu’il n’y eut plus que Perinthe & Andramite chez la Princeſſe, elle ſe mit à luy dire en riant tout ce que ce malheureux Amant luy venoit de dire : & comme en effet c’eſtoit d’abord une aſſez bizarre choſe à imaginer, que de vouloir perſuader à une Perſonne que l’on veut eſpouser que l’on n’a jamais aimé ſa Femme, la Princeſſe ne pût s’empeſcher d’en rire. Andramite avoit beau dire que c’eſtoit parce qu’il l’avoit touſjours aimée, il parloit