Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/367

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ny pourquoy il avoit de la joye, ny pourquoy il avoit de la douleur. Mais comme il sçavoit touſjours bien qu’il ne pretendoit plus rien ſinon que de delivrer Mandane, & d’obtenir ſon pardon ; nous ne rencontrions perſonne, à qui il ne s’informaſt d’elle & de vous auſſi. Ce qui m’eſpouventoit, dans la croyance où j’eſtois de vous avoir veû, eſtoit que toux ceux à qui nous parlions, nous parloient touſjours de vous comme eſtant vers les Frontieres de Lydie : & cette penſée m’occupa d’une telle ſorte, que ne pouvant la cacher, deux jours apres que nous euſmes rencontré celuy qui vous reſſemble ſi fort, & que nous nous fuſmes remis en chemin, je ne pûs m’empeſcher de dire à mon Maiſtre, que je luy avois déguiſé la verité : & que je croyois effectivement vous avoir veû dans le bois où nous avions paſſé. Si bien que nous mettant à chercher le ſujet pourquoy vous y eſtiez, nous fuſmes un jour tout entier à raiſonner inutilement ſur cela : & à ne pouvoir concilier deux choſes ſi oppoſées, comme eſtoit celle d’entendre dire que vous eſtiez à l’Armée, & celle de croire vous avoir veû en Paphlagonie. Neantmoins ne pouvant démentir mes propres yeux, je ceûs que vous aviez fait quelque voyage ſecret, pour faire ligue avec quelque Prince voiſin : & qu’encore que le bruit fuſt eſpandu par tout que vous eſtiez à voſtre Armée, il n’eſtoit pas impoſſible que vous en euſſiez eſté quelques jours abſent.

Ainſi croyant touſjours vous avoir veû, & que vous n’aviez pas connu mon Maiſtre, nous arrivaſmes enfin à Epheſe : le Prince Mazare changeant alors ſon nom, en celuy de Telephane : Beleſis ne ſe ſouciant pas de déguiſer le lien, qu’il sçavoit bien n’eſtre pas connu en Lydie. je ne vous diray point, Seigneur,