Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/382

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que mon Maiſtre euſt de voir Mandane, il ne la vouloit pas voir avec le Roy de Pont : de ſorte que pour s’en excuſer, Seigneur, luy dit il, s’il ne faloit qu’avoir veû la beauté de la Princeſſe que vous aimez pour vous juſtifier, vous le ſeriez deſja dans mon eſprit : car je la vy le jour qu’elle arriva à Sardis : Joint que plus je la verrois triſte, & plus je vous accuſerois. Le Roy de Pont ne ſe rebuta pourtant pas : & il preſſa encore pluſieurs fois mon Maiſtre de l’accompagner chez cette Princeſſe.

Pardonnez moy Orſane, dit Cyrus, ſi j’interromps voſtre recit, pour vous demander ſi ce Prince la voit tous les jours ? Ouy tant qu’il eſt à Sardis, repliqua t’il, nulle autre Perſonne n’en ayant eu la liberté depuis qu’elle y eſt. Il eſt vray touteſfois qu’il n’en a guere eſté plus heureux : car à ce que j’ay oüy dire à un des ſiens, qui eſt fort avant dans ſes ſecrets, & qui n’eſt pourtant pas trop ſecret ? il ne luy rend pas une viſite, qui n’augmente tout à la fois, ſon amour & ſon deſespoir : la trouvant touſjours plus belle & plus rigoureuſe. Cyrus ayant alors demandé pardon aux deux Princeſſes avec qui il eſtoit, Orſane reprit ſon diſcours de cette ſorte. Le Roy de Pont ayant donc fort preſſé mon Maiſtre d’aller chez Mandane, & preſſé juſques au point que le pauvre Telephane ne luy diſoit que de mauvaiſes raiſons pour s’en excuſer ; il fut contraint de le laiſſer, & d’entrer ſans luy dans la Citadelle : où il fut par une grande Allée de Cyprès, qui le conduiſit juſques à une porte du Jardin qui donne vers les Foſſez de cette Place. Apres qu’il l’eut quitté, il ſe promena plus de deux heures dans cette Allée où il eſtoit, afin de s’entretenir de l’avanture