Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/403

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maintenant, le meſme que j’eſtois alors. je ne vous demande plus, divine Princeſſe, que vous ſouffriez que je vous adore, puis que c’eſt une choſe que je ſuis reſolu de faire en ſecret dans mon cœur, tout le reſte de ma vie : mais je vous ſuplie ſeulement, de me vouloir pardonner un crime, que je ſuis preſt de reparer, en vous redonnant la liberté que je vous ay oſtée. Ha Mazare, interrompit la Princeſſe, on ne m’abuſe pas à Sardis, comme on me trompa à Sinope ! & je n’ay plus preſentement pour vous, les ſentimens que j’avois en ce temps là. je ſuis pourtant, repliqua t’il en ſoupirant, moins indigne de voſtre amitié, que je ne le fus jamais : car enfin, Madame, lors que vous me l’aviez accordée à Babilone, je ne faiſois que combatre contre la paſſion que vous aviez fait naiſtre dans mon cœur : & l’on peut dire qu’encore que je creuſſe combattre de toute ma force, je me deffendois pourtant foiblement : En effet, je ſuis vaincu par cette imperieuſe paſſion : ma vertu luy ceda abſolument : elle chaſſa de mon ame la generoſité & la raiſon : & me força enfin a Sinope à faire la plus violente & la plus injuſte action, dont on puiſſe eſtre capable. je vous enlevay donc, Madame, & je vous enlevay en vous trompant, & en vous perſuadant que je voulois vous remettre entre les mains de qui il vous plairoit : mais divine Princeſſe, je ne fus pas longtemps criminel : puis que je me repentis auſſi toſt de ce que j’avois fait, & que le commandement que je fis au Pilote, de tourner la Proüe de la Galere vers Sinope, fut ce qui vous mit en eſtat de perir. Non non, interrompit Mandane, vous ne me perſuaderez pas ce que vous dittes : je fus trop cruellement trompée de vous, pour m’y pouvoir jamais