Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/406

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il, de vous dire que je n’ay plus d’amour pour vous : car Madame, je ne veux pas meſler le menſonge avec la verité : mais je vous proteſte en preſence des Dieux qui m’eſcoutent, que cette paſſion eſt ſans eſperance, & ſans aucune pretention. je ne veux autre choſe, qu’obtenir mon pardon, & vous remettre en liberté : apres cela, je mourray ſans murmurer. Il eſt meſme juſte, adjouſta t’il, que pour me punir plus rigoureuſement, cette paſſion demeure dans mon ame : regardez la donc comme un ſuplice, qui me punit de ma faute, & vous la ſouffrirez ſans doute : principalement quand vous verrez que je ne vous en demanderay aucune reconnoiſſance. Cependant ne me donnez pas le deſplaisir, de voir que quand je vous ay dit un menſonge, qui vous eſtoit deſavantageux, vous m’avez creû : & que lors que je vous dis une verité qui peut rompre vos chaines, vous ne me croyez pas. Non non, interrompit la Princeſſe, vous ne me tromperez pas une ſeconde fois ; je me fiay en vous, parce que je vous croyois incapable de me tromper : mais apres m’avoir trompée, je ne m’y sçaurois plus fier. Ne conſiderez vous point Madame, reprit il, que meſme il eſt impoſſible que je puiſſe avoir un mauvais deſſein ; car comment ferois-je pour l’executer ? je puis ſans doute vous tirer de priſon, parce que le Camp de Cyrus eſt un lieu de retraitte tres proche & tres aſſuré : mais ſi je voulois vous enlever au Roy de Pont ſeulement, & vous enlever pour moy meſme, comment en viendrois-je à bout ? Sardis ne ſeroit pas un lieu ſeur à vous cacher : & toute la Campagne eſt couverte des Troupes de Cyrus. je ne sçay, dit elle, ny où eſt Cyrus, ny comment vous pourriez faire : mais je sçay bien que je ne vous