Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/512

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pris naiſſance, dans le temps que je l’auray creuë infidelle. Cependant durant que vous parlerez à Cleodore, je parleray quelqueſfois à Leoniſe : ainſi je puis dire que c’eſt de vous ſeul que dépend tout mon repos. J’advoüe, dit Hermogene, que je vous dois toutes choſes : mais j’advoüe en meſme temps, que j’ay une eſtrange repugnance, à vous rendre l’office que vous deſirez de moy. Beleſis l’en preſſa pourtant ſi inſtamment, qu’à la fin il s y reſolut : mais pour faire la choſe avec plus d’adreſſe, comme il n’alloit pas ſouvent chez Cleodore, il ne fut pas tout d’un coup luy parler de ſa feinte paſſion : & il commença ſeulement d’y aller plus qu’il n’avoit accouſtume, & de s’attacher plus aupres d’elle qu’aupres de Leoniſe. Ce qu’il y avoit de raire en cette avanture, eſtoit de voir avec quelle ardeur Beleſis ſouhaitoit quelqueſfois que Cleodore pûſt aſſez bien traitter Hermogene, pour luy donner un veritable ſujet de luy faire une querelle :

cependant il faut que vous sçachiez, qu’encore qu’il y euſt aſſez d’amitié entre Cleodore & Leoniſe, il n’y avoit pourtant pas aſſez de liaiſon entre elles, pour ſe faire confidence de toutes choſes : de ſorte que Cleodore n’avoit jamais parlé à Leoniſe de l’intelligence qui eſtoit entre elle & Beleſis : & comme ce n’eſt pas trop la couſtume d’aller dire une pareille choſe à une Parente, perſonne n’avoit dit à Leoniſe que Cleodore ne le haïſſoit pas. Elle voyoit bien qu’ils n’eſtoient pas mal enſemble : mais elle croyoit que ce n’eſtoit qu’amitié, & ſoupçonnoit meſme qu’il fuſt amoureux d’elle. Eſtant donc dans ce ſentiment là, un jour que Praſille Sœur d’Hermogene, avec qui elle avoit lié une affection aſſez particuliere, eſtoit ſeul avec elle, cette belle Fille qui eſtimoit infiniment Beleſis, ſe mit à en parler à Praſille, &