Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/639

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Oracle qu’il avoit reçeu à Babilone, sçachant qu’il n’eſtoit point aimé, & que Cyrus l’eſtoit, avoit des momens de fureur, dont il avoit peine à eſtre le Maiſtre : pour Mazare, quoy que ſes ſentimens fuſſent moins violens, ſa douleur eſtoit pourtant tres ſenſible : car enfin quand il venoit à penſer, qu’il s’eſtoit impoſé à luy meſme, la neceſſité de ne pretendre plus qu’à l’amitié de Mandane, il ne sçavoit pas s’il pourroit demeurer dans les bornes qu’il s’eſtoit preſcrites. D’autre part, le Roy de Pont s’eſtimoit auſſi malheureux qu’il pouvoit l’eſtre : principalement quand il venoit à conſiderer, que meſme la victoire ne le rendroit pas heureux : puis que quand il auroit vaincu Cyrus, il n’auroit pas vaincu Mandane : à qui il n’avoit pas voulu qu’on diſt rien de la Bataille qu’on alloit donner, afin de luy eſpargner quelques inquietudes ; car on peut dire que jamais Raviſſeur n’a eſté moins violent ny plus reſpectueux que celuy là. De ſorte que Mandane & la Princeſſe Palmis, ſans sçavoir que l’on alloit combatre pour leur liberté, ſe plaignoient & ſe conſoloient enſemble. Mandane avoit pourtant eu une douleur bien ſenſible, de n’avoir pas voulu croire Mazare : car elle avoit sçeu par Cyleniſe, que ce Prince eſtoit effectivement allé trouver Cyrus. Le Prince Artamas de ſon coſté ſouffroit des peines inconcevables : non ſeulement par ſa priſon, mais par celle de la Princeſſe Palmis ; & par l’inquietude qu’il avoit de la Bataille qu’il sçavoit que l’on alloit donner. Il avoit pourtant tout brave qu’il eſtoit, quelque conſolation de n’y eſtre point, afin que la Princeſſe de Lydie ne luy pûſt pas reprocher un jour qu’il euſt combatu contre le Roy ſon Pere. Mais quelques inquietudes qu’euſſent routes