Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/659

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duquel eſtoit les Chariots armez de Faux, n’eut pas moins de part à la victoire, & Abradate fit en cette occaſion plus qu’il n’avoit promis à ſa chere Panthée, & plus meſme qu’il ne devoit faire ; car il s’expoſa de telle ſorte, qu’on euſt dit qu’il sçavoit qu’il ne pouvoit eſtre bleſſé, ou qu’il vouloit mourir. Les huit Chevaux qui tiroient ſon Chariot furent pouſſez aveque tant de violence, qu’il enfonça les Ennemis, & contraignit leurs Chariots à prendre la fuitte : les autres Chariots qui le ſuivoient faiſant la meſme choſe que luy, donnerent l’eſpouvantte à tout ce qui leur eſtoit oppoſé : la plus part des Chariots ennemis fuirent ; les autres furent renverſez ou rompus, & tous enſemble furent rendus inutiles aux Lydiens. Abradate ayant achevé cét exploit, voyant un Bataillon d’Egiptiens qui faiſoit ferme, fut avec ſes Chariots pour l’enfoncer, & l’enfonça en effet, renverſant tout ce qu’il rencontroit ; ou par l’impetuoſité des Chenaux qui tiroient ſon Chariot, ou par les Faux dont il eſtoit armé, ou par ſon Eſpée. Jamais il ne s’eſt rien veû de ſi terrible, que ce qui ſe paſſa en cét endroit : les Chevaux qui tiroient les Chariots ſouloient aux pieds les corps des Soldats morts, ou mourants ; les Faux en renverſoient d’autres, & les roües achevoient d’eſcraſer ceux que les Chevaux & les Faux avoient fait tomber. Mais enfin il advint que la victoire d’Abradate luy fut funeſte : car la Campagne fut ſi jonchée de chenaux & d’hommes morts, d’armes briſées, & de Chariots renverſez, que le ſien ne pouvoit plus aller qu’en paſſant ſur des monçeaux de toutes ces choſes meſlées enſemble, ſi bien que les roües en allant tantoſt bas & tantoſt haut ; il arriva malheureuſement que le ſien ſe renverſa malgré toute l’adreſſe de celuy qui le conduiſoit. Abradate ſe dégagea pourtant, & ſe