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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/81

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Si la peine que l’on a à faire les choſes, en redouble le prix & l’obligation, reprit Doraliſe en ſous-riant, vous devez encore plus à Mexaris qu’à Abradate : eſtant certain que je ſuis perſuadée, que le peu qu’il a fait pour vous, luy a plus donné d’inquietude, que tout ce qu’a fait ſon Rival. Je n’en doute pas, repliqua la Princeſſe, mais ce n’eſt pas de cette ſorte de peine que l’on doit sçavoir gré à ceux qui la prennent : puis qu’elle n’a point d’autre cauſe, que la baſſesse de leur ame. Apres tout (dit Doraliſe, qui eſtoit ravie que la Princeſſe la contrariaſt, parce qu’elle eſtimoit fort Abradate) je penſe qu’il ne ſeroit pas trop difficile de ſoustenir, que celuy qui donne peu contre ſon inclination, oblige plus que celuy qui donne beaucoup en ſuivant la ſienne. Vous avez bien de l’eſprit, reprit la Princeſſe, mais Doraliſe, il ne nous ſeroit pourtant pas ſi aiſé que vous penſez, de ſoustenir le party d’un avare : & ſi nous avions un juge, je ne ſerois pas marrie de ſoustenir auſſi contre vous, que l’avarice bien loin de donner un nouveau prix à quoy que ce ſoit, l’oſte entierement à tout ce que fait celuy qui eſt poſſedé de cette laſche paſſion : eſtant certain que celuy qui donne peu, & de bonne grace, oblige plus que celuy qui donne beaucoup, & qui donne avec chagrin. Si vous voulez reconnoiſtre Perinthe pour noſtre Juge (dit Doraliſe, en le voyant entrer dans la Chambre de la Princeſſe) j’auray la hardieſſe pour vous obeïr, de diſputer quelque choſe une fois en ma vie contre vous. Je le veux bien, repliqua Panthée, mais à condition que Perinthe dira ce qu’il penſera, & n’aura aucune complaiſance pour moy. Il ſera un peu difficile (repliqua Perinthe, ſans sçavoir pourtant ce que l’on deſiroit de luy, parce qu’il n’avoit