aurois parlé comme vous euſſiez voulu. Dittes plus toſt, repliqua t’elle, que vous avez creû qu’il y avoit plus d’eſprit à ſoustenir un mauvais party qu’un bon : quoy qu’il en ſoit, comme je ſuis perſuadée que vous ne croyez pas ce que vous dittes, je vous le pardonne. Mais Madame, interrompit Mexaris, avez vous autant de haine pour la prodigalité que pour l’avarice ? Je sçay bien reſpondit elle, que c’eſt un vice auſſi bien, que l’avarice : mais je vous advoüe que je n’ay pas tant d’averſion pour un prodigue que pour un avare : & ſi ce n’eſt pas, adjouſta t’elle, que j’aime que l’on me donne : car le meſme temperamment qui fait que l’on aime à donner, & que l’on eſtime ceux qui donnent, fait que l’on hait à recevoir. De ſorte, dit Doraliſe, que par cette raiſon, il ſeroit fort commode à un Amant avare, d’avoir une Maiſtresse liberale : je sçay du moins, reprit Mexaris, qu’à parler en general, s’il vaut mieux eſtre Maiſtresse d’un homme prodigue que d’un avare, il vaut mieux auſſi eſtre Femme d’un avare que d’un prodigue. Je ſuis pourtant perſuadé, reprit froidement Abradate, qu’un prodigue meſme à la fin de ſa prodigalité, n’eſt pas encore ſi pauvre qu’un avare, au milieu de toutes ſes richeſſes : car que ſervent les Threſors où l’on n’oſe toucher ? Ils ſervent, reprit Mexaris, à sçavoir qu’on les poſſede : ou pluſtost, reprit Doraliſe, à en eſtre poſſedé. De ſorte (reprit Mexaris qui vouloit deſtourner la converſation) que ſi cét honneſte homme que la belle Doraliſe cherche n’eſtoit pas liberal, encore quil n’euſt rien aimé, il ne toucheroit jamais ſon cœur ? Il n’en faut pas douter, reprit
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