Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/107

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femme du Roy d’Assirie, & Reine de plusieurs Royaumes. Mais aussi, adjoustoit il, je n’aurois pas eu la gloire d’estre aimé de vous ; & vous n’auriez pas eu l’advantage, d’avoir en la personne du malheureux Artamene, un Amant dont la passion respectueuse n’a jamais offensé vostre vertu, par un desir criminel ; de qui l’ame obeissante s’est soumise à toutes vos volontez ; de qui la vie a esté consacrée à vostre service ; & de qui la mort ne sera mesme que pour vous. Car enfin, poursuivoit il, je mourray, ma Princesse, sans apprendre à Ciaxare, quelle est la cause de l’intelligence qui paroist entre le Roy d’Assirie & Artamene. Ne pensez pas, disoit il en luy mesme, adorable Mandane, que ce soit un petit sacrifice, que celuy que je suis resolu de vous faire en cette rencontre : le desir de la Gloire est une passion aussi bien que l’amour ; & une passion dominante ; & une passion imperieuse, qui n’a pas accoustumé de ceder. Mais apres tout, je n’ay point d’interest, où celuy de ma Princesse se trouve : que Ciaxare me croye lasche & perfide tant qu’il luy plaira ; pourveu que je ne le sois pas, il ne m’importe. Je sçay que le Roy d’Assirie, tout mon ennemy qu’il est, déposera en ma faveur : & que tout mon Rival qu’il est, il parlera à mon advantage. Croyez donc, Ciaxare, croyez que je vous ay trahy tant qu’il vous plaira ; pourveu que vous ne croyez pas la chose telle qu’elle est, & que la verité vous en soit cachée. Car encore que ma Princesse soit tres innocente ; & que sa vertu n’ait eu que trop de severité, dans une affection toute pure ; Ciaxare & les malicieux de la Cour, ne croiroient peut-estre jamais, que j’eusse peû estre si long temps déguisé, sans le consentement de Mandane : joint qu’en descouvrant