Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/152

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tous les soins imaginables, un aussi beau naturel, que celuy de Cyrus leur paroissoit estre. Car en tout ce qu’il faisoit ; & en tout ce qu’il disoit ; il y avoit quelque chose de si grand ; de si agreable ; & de si plein d’esprit ; qu’il estoit impossible de le voir sans l’aimer. Il estoit admirablement beau : & quoy que l’on vist encore en quelques unes de ses actions, cette naïveté charmante, & inseparable de l’enfance ; il y avoit pourtant tousjours en luy, je ne sçay quoy qui faisoit voir, que son esprit estoit plus avancé que son corps. Vous avez peut estre sçeu, qu’il y a dans Persepolis une grande Place, que l’on appelle la place de la Liberté : qu’à une de ses faces, est le Palais de nos Rois : & que les trois autres ne sont habitées que par les plus grands Seigneurs, & par les plus sages d’entre les Persans : car la Sagesse chez nostre Nation, a des privileges qui ne sont pas moins considerables que ceux de la Noblesse du Sang : quoy que la Noblesse du Sang le soit infiniment parmy nous. Ce fut donc dans cette fameuse Place, où ne demeurent que des Personnes veritablement libres, & par leur naissance, & par leur vertu ; que le jeune Cyrus commença de faire connoistre ce que l’on devoit attendre de luy : car comme parmy nous l’on esleve les Enfans des particuliers, avec autant de soin que s’ils devoient tous estre Rosi ; estant persuadez que toutes les Vertus sont necessaires à tous les hommes ; Cyrus passant de la Cabane d’un Berger, à la plus celebre, & à la plus rigoureuse Academie qui soit au monde ; ce ne fut pas sans estonnement que l’on vit que la nature luy avoit enseigné, tout ce que la Prudence cultivée peut apprendre. Il avoit aupres de luy des Vieillards consommez en la pratique de la Vertu : des jeunes gens fort