Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/153

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adroits à tous les exercices du corps : & des Enfans admirablement bien nais & bien faits pour le divertir. Mais le soin le plus grand qu’eurent le Roy & la Reine, ce fut d’empescher que nulles personnes vicieuses n’approchassent jamais de luy, de peur qu’elles ne corrompissent ses belles inclinations : sçachant bien que c’est empoisonner une source publique, que de corrompre l’ame d’un Prince qui doit regner. Si bien que de la façon qu’il vivoit, il apprenoit tousjours quelque chose de bon, de tous ceux qui l’environnoient. La moderation ; la liberalité ; la justice ; & toutes les autres vertus, estoient desja si eminemment en luy ; qu’il en avoit aquis une reputation si grande parmy les Persans, qu’ils parloient de Cyrus comme d’un Enfant envoyé du Ciel pour les instruire, plustost que pour estre instruit par eux. Mais, Seigneur, je ne songe pas que je sors des bornes que je m’estois moy mesme prescrites : & que sans y penser, je lasse vostre patience : & plus encore celle des Persans qui m’escoutent : ne leur disant que ce qu’ils sçavent aussi bien que moy. Mon Maistre vescut donc de cette sorte, jusques à sa seiziesme année : que la Fortune commença de luy donner un moyen de faire paroistre par des effets, aussi bien que par des paroles, la generosité de son ame, par une avanture qui luy arriva : & de mettre en pratique cette equité, & cette grandeur de courage, qui paroissoit en tous ces discours.

Il vous souvient sans doute, Seigneur, qu’Harpage avoit esté banny par le Roy des Medes, pour n’avoir pas esté assez exact à obeïr au commandement qu’il luy avoit fait, de faire mourir le jeune Cyrus : Or Seigneur, ce Banni avoit esté assez puissant en Medie : s’estant veû par la faveur du Roy, Gouverneur d’une de ses