Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/154

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meilleures Provinces. Cét homme donc, apres avoir tasché vainement de faire sa paix avec Astiage ; ennuyé qu’il estoit de s’en aller de Cour en Cour, demander retraite & protection, à tous les Princes ennemis du Roy son Maistre ; s’en alla six ans apres son exil en Perse : où s’estant tenu caché quelque temps, il prit l’occasion d’une grande Chasse que faisoit Cyrus, pour l’aborder plus facilement. Il s’estoit habillé à la Persienne ; si bien que s’estant meslé parmy ce grand nombre de Chasseurs qui accompagnoient le Prince ; il ne fut point reconnu pour Estranger ; sçachant mesme assez bien la langue du Païs, pour s’en servir en cas de necessité. Cyrus des ce temps là estoit si grand, si adroit, & si vigoureux, qu’il n’y avoit point d’homme qui parust plus infatigable que luy, ny plus hardy ; soit qu’il falust poursuivre les bestes, ou les attaquer dans leur fort. Il sçavoit tirer de l’arc ; lancer le javelot, ou se servir d’une espée admirablement : & comme il y avoit des prix destinez pour toutes ces choses ; il les emportoit tous, sans y manquer jamais, & paroissoit tousjours vainqueur dans toutes ces Festes publiques, que l’on faisoit pour cela. Mais pour revenir à Harpage, il suivit donc Cyrus à cette grande Chasse, dont je vous ay desja parlé, & l’observant soigneusement, il prit garde que ce jeune Prince s’estant emporté, se mit à poursuivre un Sanglier, dans le plus espais de la forest ; il fit alors des efforts incroyables pour le suivre, & pour ne le perdre pas de veuë : comme firent tous les Persans qui l’avoient suivy, dont pas un ne le pût atteindre. Cependant malgré la vitesse de la beste, Cyrus l’approcha ; banda son Arc ; tira, & luy fit heureusement passer la fléche au travers