Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/155

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

du cœur. Cette victoire dont Harpage avoit esté le seul tesmoin ; & qu’il n’avoit mesme veuë que d’une distance assez esloignée ; fit que ce jeune Prince se reposa, en attendant qu’il vinst quelques uns des siens : il s’assit donc aupres du Sanglier qu’il avoit tué, sur le bord d’un petit ruisseau, qui traversoit la forest en cét endroit. Et comme dans ces sortes de Chasses, ceux de nostre Nation portent d’ordinaire un Arc, un Carquois, une Espée, & deux javelots ; ce beau Chasseur mit toutes ses Armes aupres de luy, & s’appuya sur son Bouclier (car nous le portons aussi bien à la Chasse qu’à la guerre) pour joüir en repos de sa victoire. Comme il estoit en cét estat, Harpage enfin s’approcha de luy : & Cyrus le prenant pour un Persan, commença de luy crier, en souriant, & en luy montrant sa prise ; J’ay vaincu, j’ay vaincu : Mais Harpage ayant mis un genoüil à terre, luy dit qu’il ne tiendroit qu’à luy qu’il ne remportast une victoire plus glorieuse. Le jeune Prince croyant que cét homme avoit descouvert la bauge de quelque Sanglier plus grand, & plus redoutable que celuy qu’il avoit tué, se releva, & luy demanda promptement, où il faloit aller pour remporter cette victoire ? à la teste d’une Armée de trente mille hommes, luy respondit Harpage, que je viens vous offrir, pour vous rendre Maistre d’un grand Royaume si vous le voulez. A ce discours, Cyrus tout estonné, regarda Harpage, avec plus d’attention qu’auparavant : & luy semblant l’avoir veû autrefois ; qui estes vous, luy dit il, qui venez m’offrir une chose si glorieuse ? & dont je n’ose croire estre digne, par une valeur que je n’ay encore esprouvée, que contre des Ours, des Sangliers, des Lyons, & des Tygres. Je suis, Seigneur, luy respondit il, un