Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/176

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n’eust jamais consenty à quitter le Nom de Cyrus, pour prendre celuy d’Artamene, comme je le luy conseillay. De vous dire, Seigneur, quelle fut la joye de ce jeune Prince, lors que l’estant allé trouver dans sa Chambre, je luy apris que je m’estois laissé vaincre, & persuader ce qu’il vouloit, pourveu qu’il me promist que durant le voyage qu’il alloit entreprendre, il defereroit tousjours quelque chose à mes prieres, je n’aurois jamais fait ; estant certain que je n’ay veû de ma vie tant de marques de satisfaction en personne, qu’il en parut en ses yeux. Ha ! Chrisante, s’écria t’il en m’embrassant, apres ce que vous faites aujourd’huy pour moy, ne craignez pas que je vous refuse jamais rien : allons seulement, allons ; & du reste ne vous en mettez pas en peine ; car tant que vous ne me deffendrez pas les choses justes & glorieuses, je ne vous desobeïray jamais. Enfin, Seigneur, pour n’abuser pas de vostre patience, nous resolusmes Cyrus & moy, que le seul Feraulas, auquel il n’avoit pas caché son dessein, & deux hommes pour le servir, seroit tout ce que nous menerions. Pour ce qui estoit de nostre subsistance, nous prismes tout ce que le Prince avoit de Pierreries, qui n’estoient pas en petit nombre : car encore que nostre Nation face profession ouverte, de mespriser les choses superfluës, & trop magnifiques ; la Reine qui suivant la coustume de son Païs, en avoit aporté une quantité prodigieuse ; en avoit donné la meilleure partie à Cyrus ; dont il ne se servoit toutefois, que pour les Festes publiques, & dans les grandes ceremonies ; afin de se partager ; entre la magnificence Medoise, & la moderation Persienne, de peur d’irriter l’une ou l’autre de ces deux Nations.

Nous prismes donc toutes ces Pierreries ; & le