Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/177

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Prince ayant feint de vouloir aller la Chasse, avec peu de monde ; nous fismes durer cette Chasse jusques à la nuit ; & nous estant escartez dans la Forest ; & retrouvez à un rendez-vous, que nous nous estions donné ; nous nous mismes en chemin ; & commençasmes un voyage, dont les admirables fuites m’espouventent, toutes les fois qu’elles me repassent dans la memoire. Mais auparavant que de partir, le Prince escrivit au Roy son Pere, pour luy demander pardon, de sortir de ses Estats sans son congé : il escrivit aussi à la Reine sur le mesme sujet ; & donna mesme ordre, sans m’en rien dire, que l’on portast un Billet à Harpage ; dans lequel il luy disoit, qu’il verroit bien tost par quels sentimens il avoit agi, lors qu’il avoit refusé ses offres. Pour moy, je ne creus pas qu’il fust à propos que j’escrivisse à la Reine, de peur que ce que j’escrirois ne fust veû du Roy ; qui auroit pû comprendre par là, ce que la Reine ne vouloit pas qu’il sçeust. Enfin, Seigneur, Cyrus cessa d’estre Cyrus ; & ce ne sera plus que sous le Nom d’Artamene, que vous apprendrez les merveilleuses choses qu’il a faites. Apres avoir campé dans les Forests durant trois jours, où nous changeasmes d’habillemens, & marché durant trois nuits ; nous arrivasmes bien tost à la Susiane, que nous traversasmes ; ce chemin nous semblant plus seur que nul autre, pour entrer dans l’Assirie ; de qui, comme vous sçavez, Babilone est la Capitale ; Ville qui estoit alors en la plus grande splendeur, où jamais Ville ait esté. Mais, Seigneur, ce n’est pas icy où j’en dois parler ; & comme tous ceux qui m’escoutent, à la reserve de Thrasibule, ont aidé à la destruire, ils n’ignorent pas ce qu’elle estoit. Je vous diray donc seulement,