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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/199

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les deux hommes de sa suite, nous commmençasmes de retourner d’où nous venions, avec un vent assez favorable : mais à peine avions nous marché un demy jour, qu’une terrible tempeste se leva : mais si violente, & si extraordinare, que le Pilote luy mesme en fut espouventé. L’air se troubla tout d’un coup ; la Mer se grossit ; & roulant des Montages d’escume les unes sur les autres ; elle mugissoit effroyablement ; & agitoit si fort le Vaisseau, que les plus fermes Mariniers, ne pouvoient se tenir debout. Le feu des esclairs, le bruit du tonnerre, & l’obscurité de la nuit, se joignant à toutes ces choses, nous firent voir lors mesme que nous ne voyons plus rien, que ceux qui sont veritablement genereux, n’aprehendent jamais la mort, sous quelque forme qu’elle leur apparoisse : car mon Maistre fut aussi peu esmeu de cette tempeste, que s’il se fust promené sur un Fleuve le plus tranquille du monde. Il donnoit ses ordres sans confusion : & quoy qu’il n’eust pas esté marry d’eschaper de ce peril qui paroissoit si grand, & presque si inevitable ; la crainte ne luy fit pourtant jamais changer de visage. Nous fusmes trois jours & trois nuits de cette sorte, nous esloignant tousjours de nostre routte ; & nous engageant tellement dans le Pont Euxin, qu’en fin le quatriesme jour au Soleil Levant, la tempeste nous jetta au Port de Sinope, où nous sommes : qui comme vous sçavez est en Capadoce, & vers les Frontieres de Galatie.

Je vous fais souvenir, Seigneur, de cette particularité, afin que vous admiriez davantage, la bizarrerie de la Fortune : qui voulant sauver Artamene de la rigueur des flots irritez, le jetta au milieu des Païs de ses Ennemis. Car enfin Ciaxare estoit Fils d’Astiage : & c’estoit veritablement plustost