Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/224

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par des Statuës ; les Assiriens & les Medes ont des Palais magnifiques ; ainsi chacun se formant une raison à sa fantaisie, ne trouve rien de beau, que ce qui se conforme à son humeur, & se raporte à l’usage de sa Patrie. Il est certaines Beautez universelles, repliqua l’Estranger, qui sont au goust de toutes les Nations : Le Soleil plaist à tout le monde : les Diamans brillent à tous les yeux : & il est des choses enfin qui sont si parfaites, qu’elles plairoient à tous les Peuples de la Terre. Ce discours qui pouvoit estre fort indifferent, ne plaisoit pourtant point à Artamene : & je pense que s’il ne fust venu un des Sacrificateurs ouvrir la porte du Temple, cette conversation eust pû ne finir pas aussi civilement qu’elle avoit commencé : tant il est vray qu’Artamene avoit une secrette & puissant aversion pour cét Estranger, quoy qu’il eust peu d’égaux en bonne mine.

Aussi la porte du Temple ne fut-elle pas plus tost ouverte, qu’il s’en separa : & se meslant parmy d’autres gens qui estoient venus depuis nous, il évita sa conversation & sa rencontre. Il est certain que ce Sacrifice parut beaucoup plus magnifique que l’autre : car comme les Peuples s’empressent bien davantage, pour demander aux Dieux qu’ils puissent éviter les malheurs à venir, que pour les remercier, de les avoir garantis de ceux dont ils avoient esté menacez ; il y eut incomparablement plus de monde qu’au premier ; il y eut plus de ceremonies ; les Victimes y parurent plus ornées ; & toutes choses enfin y furent plus agreables à voir. La Princesse mesme, sembla encore plus belle à l’amoureux Artamene, qu’elle n’avoit fait la premiere fois qu’il l’avoit veuë : & comme l’Amour est ingenieux dans ses caprices ; il fit remarquer à mon Maistre,