Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/227

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à combattre que des hommes. La Princesse qui trouva cette priere juste ; remercia le Sacrificateur de la luy avoir faite : & l’assura qu’elle auroit un soin particulier, d’empescher que ce desordre n’arrivast, comme il estoit autrefois arrivé, durant les guerres des Scithes en Medie & en Assirie : & qu’elle en parleroit au Roy, de la façon qu’elle devoit. Mais sage Thiamis, (luy dit elle, car il se nommoit ainsi) pour mieux conserver vos Temples, demandez la paix aux Dieux, & ne vous en lassez jamais : car enfin, tant que la guerre durera, je n’auray pas l’esprit en repos : & de l’humeur dont je suis, j’avouë que j’aimerois mieux la paix que la Victoire. Demandez donc au Ciel, luy dit elle, qu’il change le cœur du Roy de Pont : & qu’il porte tousjours celuy du Roy mon Pere, à preferer le bien general de ses Subjets, à sa gloire particuliere. A ces mots, la Princesse se retira : & laissa Artamene aussi charmé de sa sagesse que de sa beauté. Car encore qu’elle eust dit peu de chose, il n’avoit pas laissé de trouver dans le son de sa voix ; dans la pureté de son expression ; & dans le sens de ses paroles ; dequoy se persuader, qu’elle avoit beaucoup d’agrément en la conversation ; beaucoup d’esprit ; beaucoup de bonté ; & beaucoup de vertu. Enfin, Seigneur, Artamene ne fut plus en estat d’estre guery : & quoy que je pusse faire, il ne voulut plus m’escouter.

Cependant, lors que nous fusmes retournez à la ville, venant à examiner la chose de plus prés, je trouvay qu’elle n’estoit pas aussi dangereuse, qu’elle me l’avoit paru d’abord : car qui sçait, disois-je, si ce n’est point par cette innocente voye, que les Dieux malgré toute la prudence d’Astiage, & toutes ses craintes, veulent conduire