Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/228

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Artamene au Thrône des Medes, & le rendre Maistre de toute l’Asie ? est il à croire, que ces Souveraines Puissances, qui ne font jamais rien sans raison, ayent fait predire par les Mages, tant de grandes choses de Cyrus inutilement ? l’auront il exposé au danger d’estre devoré par les Lions & par les Tigres ; l’auront il sauvé miraculeusement ; l’auront il rendu si accomply ; luy auront il donné de si grandes inclinations ; l’auront il fait errer parmy tant de Peuples sans s’y arrester ; l’auront il sauvé du dangereux combat qu’il fit contre le fameux Corsaire ; l’auront il conduit malgré luy chez ses Ennemis ; l’auront il amené à Sinope par une tempeste ; l’auront il fait assister à un Sacrifice, fait pour sa mort ; l’auront il fait devenir amoureux, de la Princesse qui l’offroit ; auront ils, dis-je, fait toutes ces choses pour le perdre ? Non, non, cela n’est pas possible : & si les Dieux ne le destinoient point à une meilleure fortune, ils l’auroient laissé déchirer par les bestes sauvages, ou il auroit pery sur la mer ; il eust esté tué dans les dangereux combats ; qu’il a faits, ou ce Port nous eust esté un escueil. De plus, disois-je, il n’est presque pas possible, qu’Artamene soit reconnu pour estre Cyrus : car enfin les Capadociens ne vont guere en Perse : la seule fois que Ciaxare y envoya, son Ambassadeur estoit de Medie ; & j’ay sçeu qu’il n’est plus en cette Cour, & qu’il s’en est retourné à Ecbatane. Joint que de tous les lieux où il pourroit estre reconnu, celuy cy apparamment seroit le moins dangereux que l’on peust choisir : estant certain que quand par une joye que je ne puis iamginer. Astiage viendroit à sçavoir qu’Artamene seroit Cyrus, il n’est pas croyable qu’il peust mal-traiter un Prince, qu’il trouveroit les armes