Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/238

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cela n’eust pas esté, nous eussions eu toute l’Armée des Rois Alliez sur les bras, & n’eussions peut-estre pas pû faire ce que nous fismes. Ainsi l’on peut dire, qu’Artamene & Philidaspe : sauverent la Capadoce en cette journée. Mais comme l’action de mon Maistre avoit eu le Roy pour tesmoin ; & qu’effectivement il luy avoit sauvé la Couronne & la vie ; elle fit aussi un effet different dans son esprit.

Cependant la nuit ayant fait retirer chacun dans son Camp, sans que la Victoire se fust absolument declarée, pour l’un ny pour l’autre Party, Artamene fut à sa Tente, se faire penser de deux blessures assez legeres, qu’il avoit reçeuës au bras gauche, & qui ne l’obligerent pas mesme à garder le lit. Le Roy se trouva aussi estre un peu blessé à la main : Mais nous sçeusmes par un de nos gens qui avoit esté pris prisonnier, & qui se sauva d’entre les Ennemis, que le Roy de Pont l’avoit esté encore plus considerablement d’un coup de Traict : ce qui fut cause que de part & d’autre, l’on ne songea pas si tost à combattre. A peine le Roy fut il entré dans sa Tente, qu’il ordonna que l’on cherchast par tout son Liberateur, & qu’on le luy amenast : toutefois comme personne ne sçavoit le nom d’Artamene, ce ne fut que le lendemain au matin, que l’on pût satisfaire l’extréme desir qu’avoit Ciaxare, de remercier celuy auquel il devoit la vie. Mon Maistre ayant enfin esté trouvé, & ayant reçeu l’ordre du Roy, se rendit aupres de luy : Mais avec autant de modestie, & autant de respect, que s’il ne luy eust rendu aucun service. Dés qu’il commença de paroistre, tout le monde se pressa, & pour le voir, & pour le laisser passer : Philidaspe mesme en y allant, luy fit un compliment fort civil, sur le bonheur qu’il avoit