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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/239

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eu le jour auparavant ; & tout le monde enfin, ravi de sa valeur & de sa bonne mine, eut de l’estime pour luy, & de la curiosité pour sa naissance. Le Roy ne le vit pas plustost, qu’il fit trois pas pour l’embrasser : apres ces premieres carresses, & ces premieres civilitez, il le loüa si hautement, que la modestie d’Artamene ne le pût souffrir. Seigneur, luy dit il, j’ay fait si peut de chose pour vostre Majesté, que si je n’esperois me rendre à l’advenir plus digne de l’honneur qu’elle me fait aujourd’huy que je ne le suis, j’en aurois beaucoup de confusion : Mais peut-estre que si elle me permet de continuer de combattre sous ses Enseignes ; les zele que j’ay pour son service, & l’exemple de tant de braves gens qui sont dans son Armée ; me donnant un nouveau desir de gloire, me donnera aussi la force d’en aquerir : & la hardiesse que je n’ay pas, d’oser peut-estre recevoir sans rougir, les loüanges d’un Prince tel que Ciaxare. Vostre modestie, luy respondit le Roy, m’estonne encore plus que vostre valeur : estant bien plus extraordinaire de trouver cette sage vertu, en un homme de vostre âge, que non pas d’y rencontrer l’autre : qui estant plus tumultueuse, n’est pas incompatible avec la jeunesse. Seigneur, luy repliqua Artamene, vôtre Majesté me pardonnera, si je luy dis qu’elle change le nom des choses : puis qu’elle appelle modestie en moy, ce qui n’est qu’un simple effet de ma raison & de mon equité. Car enfin apres avoir veû tous ceux qui m’escoutent, faire de si grandes actions ; & entre les autres, dit il en montrant Philidaspe, ce brave Estranger, en faire de si heroïques ; il faudroit estre bien hardy & bien injuste, pour oser prendre de la vanité de ce que j’ay fait : & pour ne recevoir pas plustost