Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/263

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

peu de monde aupres d’elle, Madame, luy dit il, je viens vous demander une grace, quoy que je n’en sois pas digne : Vous estes digne de tout (luy respondit la Princesse fort obligeamment) & soyez assuré que si ce que vous voulez n’est ny injuste ny impossible, vous l’obtiendrez infailliblement : & comme vous estes trop genereux & trop sage, pour vouloir des choses de cette nature ; vous ne devez point mettre en doute, l’effet de vostre demande. Artamene ayant fait une profonde reverence, reprit la parole de cette sorte. Je sçay bien, Madame, que ce que je souhaite est en vostre pouvoir, puis qu’il est en celuy du Roy : n’ignorant nullement, qu’il n’est rien qu’il vous puisse refuser. Mais je vous advoüe, que je n’oserois pas m’assurer, qu’il y ait autant de justice en ma demande, que de possibilité : & quoy que je face ce que je dois, en vous supliant de me faire obtenir ce que je souhaite ; je ne sçay si vous ferez ce que vous devez en me l’accordant. Cependant, Madame, je vous le demande, avec toute l’affection imaginable : & s’il est vray que le bonheur que j’ay eu, de rendre quelque petit service au Roy vous ait obligée ; faites m’en obtenir, s’il vous plaist, la plus grande, & la plus glorieuse recompense, que j’en puisse jamais recevoir. Faites donc Madame, que le Roy me face l’honneur de me nommer, pour estre un des deux cens qui doivent combattre. Ce que vous me demandez (reprit la Princesse toute surprise, de la generosité d’Artamene) n’est sans doute pas impossible ; & est mesme tres advantageux au Roy mon Pere : mais je vous advoüe, que je ne le trouve guere juste. Car apres luy avoir sauvé la vie comme vous avez fait ; c’est vous en recompenser d’une