homme d’entre les Ennemis nommé Artane, commença de croire, que quelque advantage qu’eust son Party, il seroit fort difficile qu’il emportast la Victoire : & ce fut pourquoy il se resolut de fourber, & de joüer d’adresse, dont il avoit plus que de courage, pour tascher de sauver sa vie. Car (dit il en luy mesme, à ce que l’on à sçeu depuis) si nos gens sont les plus forts, je me remesleray parmy eux sur la fin du combat, sans qu’aucun s’en aperçoive : & s’ils succombent tous, je sauveray au moins ma vie en me tenant caché : & en seray quitte pour me bannir apres de mon païs, & pour aller vivre inconnu, en quelqu’autre part de la Terre. Comme il se fut resolu à cette lascheté, dans le desordre & dans l’embarras de ce combat, laschant le pied insensiblement, & se démeslant d’entre les siens, il se retira enfin derriere eux : qui estant occupez à combattre, ne songerent pas à luy. Pour les Capadociens, comme ils estoient desja moins en nombre que leurs ennemis, ils ne s’aperçeurent pas du dessein de ce lasche : qui à six pas de là, se laissa tomber comme s’il eust esté blessé : & se trainant tout doucement derriere une petite eminence, qui s’élevoit à un endroit de la plaine, qui n’estoit pas fort esloigné ; il demeura là paisible spectateur du combat. Cependant les choses en vindrent aux termes, qu’Artamene se vit luy quinziesme contre quarante : je vous laisse à juger, Seigneur, si le Party du Roy de Pont ne croyoit pas avoir vaincu : & si les Capadociens n’avoient pas sujet de croire qu’ils estoient vaincus. Mais comme en ce combat il n’estoit permis ny de demander la vie, ny de la donner, & qu’il y faloit necessairement vaincre ou mourir : les plus desesperez devinrent les plus vaillans : &
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