Artamene leur redonna tant de courage, & par sa voix, & par son exemple ; qu’ils reprirent une nouvelle ardeur. Pour luy, l’on eust dit qu’il estoit assuré d’estre invulnerable, veû la façon dont il s’exposoit. Mais en s’exposant aussi comme il faisoit à tous les momens ; l’on peut dire qu’il sembloit y avoir une fatalité attachée à tous les coups qu’il portoit. Il n’en donnoit pas un qu’il ne fist rougir son espée, du sang de ses Ennemis : il se faisoit jour par tout : il escartoit tous ceux qui le vouloient envelopper : il suivoit ceux qui le fuyoient : il tüoit ceux qui l’attendoient : & Artamene enfin, fit de si grandes choses ; qu’apres s’estre veû luy quinziesme contre quarante, comme je l’ay dit, il se revit luy dixiesme contre dix. Cette égalité luy ayant redonné un nouveau cœur, Allons, dit il aux siens, mes chers Amis, allons achever de vaincre. Et en effet, veû le changement qui estoit arrivé, il leur pouvoit parler de cette sorte : Mais il ne sçavoit pas que des neuf Compagnons qui luy restoient, il y en avoit trois qui estant blessez en divers lieux, s’affoiblirent tout d’un coup, & tomberent un moment apres ; si bien qu’il demeura luy septiesme contre dix. Il avoit esté si heureux, qu’il n’avoit encore reçeu qu’un leger coup d’espée au costé, au deffaut de sa Cuirace : qui n’ayant qu’effleuré la peau, ne l’incommodoit point du tout. Ce cœur de Lion sans s’estonner de ce nouveau malheur, ne laissa donc pas de continuer de combattre avec mesme vigueur, que s’il eust encore esté au commencement du combat. D’abord il tua deux de ces dix Ennemis qui restoient : Mais le troisiesme qu’il attaqua, luy ayant un peu plus resisté que les autres ; comme il eut achevé de vaincre, & qu’il se
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Apparence