Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/272

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

voulut tourner vers les siens, pour s’en resjoüir avec eux ; il vit qu’il n’y en avoit plus qu’un debout, que trois Ennemis qui restoient, alloient infailliblement tüer. Il y courut en diligence pour le secourir, mais il y arriva trop tard : cét homme estant tombé mort, comme il estoit prest de le deffendre. Ce fut en cét endroit, Seigneur, où l’illustre Artamene eut besoin de tout son courage : car enfin apres trois heures de combat ; & d’un combat encore plus violent & plus opiniastré qu’une Bataille ; il se vit seul de son Party contre trois.

Neantmoins ne perdant ny le cœur ny le jugement, il se recula dé quelques pas, pour n’estre point enveloppé : & comme il a une agilité merveilleuse quand il s’en veut servir ; ces trois hommes se virent fort embarrassez. De quelque costé qu’ils l’attaquassent, ils trouvoient par tout la pointe de son espée. Quand ils le pressoient, ils ne le pouvoient atteindre, & son corps disparoissoit à leurs yeux : quand ils ne le pressoient pas, il les pressoit : & quoy que tous leurs coups ne fussent pas portez en vain, & qu’ils vissent couler son sang de plusieurs endroits ; sa vigueur ne diminuoit point du tout. Enfin s’estant resolus de le vaincre ou de mourir ; & s’estant encouragez l’un l’autre, avec quelque confusion, de voir un homme seul, leur resister si long temps ; ils furent à luy teste baissée. Mais Artamene ayant eu l’adresse d’en separer un de quelques pas d’avec ses Compagnons ; il se couvrit si bien de son Bouclier, du costé qu’estoient les deux autres, qu’il ne pût en estre blessé. Et s’élançant avec une force estrangge sur ce troisiesme, il luy passa son espée au travers du corps, & le fit tomber mort ses pieds. Cette chutte fit lascher le pied aux