Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/274

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homme de qualité, aussi bien que ce lasche Artane, qui estoit tousjours caché : & qui ayant tousjours veû mon Maistre, pour ainsi dire, foudroyer les siens, n’avoit jamais osé se lever. Icy, Seigneur, admirez la conduitte des Dieux, lors qu’ils ont resolu de conserver quelqu’un : & tombez d’accord avec moy, que leurs secrets sont impenetrables. Car enfin les choses estant en cét estat, n’est il pas vray qu’il n’y a personne qui ne croye, que cét Artane qui s’estoit caché, voyant mon Maistre blessé en tant de lieux, ne deust se lever, pour aider à celuy de son Party qui combattoit encore ; à vaincre un homme, de qui le sang couloit de divers endroits ? Cependant il n’en alla pas ainsi ; quoy que ç’eust esté la premiere intention de ce lasche, comme je pense l’avoir dit. Car outre qu’Artane n’estoit pas vaillant ; & qu’il s’estoit veû contraint d’estre de ce combat malgré luy, comme nous l’avons sçeu depuis ; outre, dis-je, qu’il avoit veû qu’Artamene s’estant trouvé seul contre trois, n’avoit pas laissé de vaincre ; il se trouva encore, que celuy qui combatoit le dernier contre mon Maistre, estoit son Rival : si bien que se voyant en cette occasion, entre les sentimens de la Patrie, & les sentimens de vangeance, de jalousie, & d’amour ; il ne balança point du tout ; & se resolut de laisser finir ce combat sans s’en mesler. Car (disoit-il en luy mesme, comme on l’a sçeu depuis de sa propre bouche) ce combat ne finira pas, sans qu’il en meure au moins un des deux, veû la maniere dont ils agissent : & celuy qui mourra, ne mourra pas sans faire de nouvelles blessures à son ennemy : ainsi donc si l’ennemy de mon Païs succombe, je trouveray tousjours mon rival en estat d’estre vaincu plus facilement : & si