Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/280

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demeurer dans les termes de leurs conditions, Ciaxare marcha vers le lieu du Combat, avec le nombre de gens dont ils eſtoient tombez d’accord, comme fit auſſi le Roy de Pont. Mais pour la Princeſſe, elle demeura dans la Ville, extrémement affligée. Nous sçeumes meſmes alors, que malgré l’intereſt qu’elle avoit en cette guerre ; une des premieres choſes qu’elle dit, en apprenant cette funeſte nouvelle, fut de s’écrier en parlant au Roy, & preſque les larmes aux yeux ; helas Seigneur ! le pauvre Artamene ne ſervira plus voſtre Majeſté : & je l’ay mal recompenſé, du bon office qu’il me rendit, lors qu’il vous ſauva la vie. Pour Feraulas & pour moy, je vous laiſſe à penſer, Seigneur, quelle fut noſtre douleur, & quel fut noſtre deſespoir : Mais encore que nous ne doutaſſions point, que noſtre cher Maiſtre, n’euſt peri, nous ne laiſſasmes pas d’accompagner le Roy ; pour rendre du moins les derniers devoirs au corps d’un ſi grand & ſi genereux Prince. Nous fuſmes donc avec Ciaxare, qui arriva en meſme temps que le Roy de Pont ; ſur le champ de Bataille : Mais les deux Partis furent bien eſtonnez, lors que s’en approchant ; ils virent Artamene qui ayant repris de nouvelles forces, à la veuë du Roy qu’il ſervoit ; s’eſtoit relevé ſur un genoüil l’eſpée à la main, aupres du Trophée qu’il avoit dreſſé, ſemblant ſe vouloir mettre en eſtat de le deffendre, ſi quelqu’un euſt voulu l’abatre. Mais entre tous ceux qui eurent de l’eſtonnement, Artane qui eſtoit mené Victorieux par ceux de ſon Party, parut le plus eſtonné. Principalement quand il entendit qu’Artamene faiſant un effort pour hauſſer la voix, en ſe tournant vers Ciaxare, luy dit ; Seigneur, vous avez