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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/326

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cette fortune qu’il cherche ? & que ne me laisse-t’il ma Princesse ? Helas ! ne s’imagnie-t’il point, poursuivoit-il, que c’est par cette voye que je veux estre son Rival en ambition, & me maintenir bien dans l’esprit du Roy ? Ha ! s’il est ainsi, Philidaspe, que tu és abusé ! Possede, possede en repos toutes les grandes Charges de Capadoce ; sois plus en faveur, que personne n’y fut jamais ; & laisse moy seulement aupres de Mandane. Prens un autre chemin pour arriver où ton ambition te porte : & ne viens pas troubler le plaisir que je prens à l’entretenir en liberté, & à la voir seule. Ce n’est pas, nous disoit-il, que je ne sçache bien, que je n’oserois luy parler de ma passion : car outre que sa vertu m’impose silence ; que le respect m’en empesche ; que sa modestie & sa severité me le deffendent ; je n’ay pas encore fait d’assez grandes choses, pour m’exposer à un si grand peril. Mais enfin, je ne laisse pas de souhaiter ardemment, de l’entretenir sans tesmoins : car, mes chers Amis, si du moins ce bonheur m’arrivoit, personne ne partageroit ses regards & sa civilité : j’occuperois seul ses yeux & son esprit : & sans luy rien dire de ma passion, je ne laisserois pas de m’estimer fort heureux. Que sçay-je mesme, poursuivoit-il, si cette Princesse si pleine d’esprit & de lumiere, me voyant seul aupres d’elle, ne devineroit point peut-estre plus aisément, une partie de ce que je veux qu’elle sçache, que lors que sa courtoisie fait qu’elle partage son esprit, entre Philidaspe & moy ? Mais que dis-je ! reprenoit-il ; non, non, il n’est pas temps Artamene, de descouvrir nostre passion : cachons la si bien au contraire, que personne ne la puisse connoistre. Artamene n’est pas encore en l’estat où je le veux,