Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/331

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fut jamais, comme je l’ay dit, de plus riches ny de plus faciles à remarquer. D’abord qu’on les vit paroistre, chacun en parla tout bas, & eut envie de sçavoir, ce qu’Artamene en vouloit faire : le Roy regarda mon Maistre, & alloit s’informer de ce que cela vouloit dire ? lors qu’Artamene, apres avoir fait une profonde reverence, & luy avoir demandé congé de parler à ce Heraut ; Tu diras, luy dit il, au Roy ton Maistre, que puis que mes Armes se sont trouvées assez bonnes pour pouvoir resister aux siennes, qui sont tres-redoutables ; j’espere qu’elles seront encore assez fortes, pour ne devoir pas craindre celles de ces Cavaliers qui ont si mauvaise opinion de leur valeur, qu’ils croyent avoir besoin d’estre quarante pour en vaincre un seul. Publie donc dans tout le Camp du Roy de Pont, que je porteray le jour de la Bataille, les mesmes Armes que tu vois : & assure de ma part ton Maistre, si le Roy me le permet, que pour reconnoistre en quelque façon sa generosité, personne ne l’attaquera jamais en ma presence que seul à seul : & que du moins sa valeur ne succombera point sous le nombre, aux lieux où je me trouveray. Ce Heraut surpris & charmé du grand cœur d’Artamene, voulut luy repartir quelque chose ; mais il l’en empescha : Non non, luy dit il, mon Amy, ne t’oppose pas à mon dessein : & sois assuré, que si le Roy ton Maistre me connoissoit bien il ne desaprouveroit pas ce que je fais.

Ciaxare entendant ce que disoit Artamene, s’y voulut opposer : luy representant qu’il n’estoit pas juste, de hazarder si legerement une vie, qui luy estoit si considerable. Ma gloire Seigneur, luy repliqua-t’il, vous doit encore estre plus precieuse : c’est pourquoy je suplie