Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/332

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tres-humblement vostre Majest, de ne me forcer pas à luy desobeïr. Ciaxare repartit encore, mais ce fut inutilement : & il falut congedier le Heraut, sans qu’Artamene luy voulust faire d’autre response. Apres qu’il fut party, & que l’on eut reporté ses Armes à sa Tente, il parut aussi peu esmeu, que si on ne luy eust pas donné un advis si important pour sa vie. Il n’en estoit pas de mesme de Ciaxare, qui en parut fort inquieté : & qui se resolvoit presque de ne marcher pas si tost vers l’Ennemy, tant la conservation d’Artamene luy estoit chere. Cependant, la Princesse qui avoit veû arriver ce Heraut aupres du Roy ; & qui en suite avoit reconnu Feraulas, qui faisoit porter ces Armes magnifiques ; avoit eu une fort curiosité de sçavoir, ce que tout cela vouloit dire : de sorte qu’elle avoit envoyé un des siens pour s’en informer, que nous rencontrasmes comme nous allions remener ce Heraut, hors de l’enceinte du Camp : apres l’avoir fait passer suivant l’ordre d’Artamene, à travers toute l’Armée : mon Maistre estant bien aise qu’il peust redire au Roy de Pont, combien elle estoit belle & forte. Nous luy donnasmes alors en luy disant adieu, par les mesmes ordres d’Artamene, un Diamant d’un prix fort considerable : Cet Officier de la Princesse nous ayant donc demandé ce qu’il vouloit sçavoir, nous le luy apprismes : Feraulas & moy luy recitant en peu de paroles, la generosité de nostre Maistre. Il estoit si aimé de tout le monde, que cét homme n’en tesmoigna pas avoir une petite inquietude, pour le grand peril où il le voyoit exposé : ny une mediocre joye non plus, de voir qu’il faisoit servir toutes choses à sa gloire, jusques aux mauvais desseins de ses