Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/340

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il, & faire que vous sçachiez que je les auray vaincus : ce qui n’arriveroit pas si je me cachois, ainsi que vous le desirez.

Comme ils en estoient là, ils virent entrer Philidaspe, qui venoit aussi prendre congé de la Princesse : ils changerent tous trois de couleur en cét instant : Philidaspe rougit de colere, de trouver mon Maistre en ce lieu là : Artamene de despit d’estre interrompu par Philidaspe : & la Princesse d’une confusion, dont elle mesme n’eust pû dire la cause. Comme il y avoit desja assez long temps, que le Roy estoit sorty de la chambre de Mandane ; Artamene jugeoit bien qu’il eust esté à propos, qu’il eust laissé Philidaspe aupres d’elle, & qu’il fust allé le retrouver, mais il luy fut impossible : & il y demeura autant que luy. Aussi tost donc que Philidaspe fut entré, la conversation changea : & quoy qu’il n’y eust nulle intelligence, entre Artamene & Mandane ; que cette Princesse mesme, ne sçeust pas que mon Maistre estoit amoureux d’elle ; & que cette flame si belle, & si pure, qui s’est depuis allumée dans son cœur, y fust encore si foible ; si petite : & si peu de considerable, qu’elle mesme ne s’en apercevoit pas ; neantmoins il sembla à Feraulas & à moy, qui estions presens à cette conversation, que l’arrivée de Philidaspe, avoit un peu fâché, & interdit la Princesse. Il ne fut pourtant pas plustost aupres d’elle, qu’elle luy parla avec beaucoup de civilité : mais il faut advoüer, que quelque douceur qu’eust l’incomparable Mandane dans l’esprit ; elle se conservoit toutefois, quelque chose de si Majestueux ; de si modeste ; & de si Grand sur le visage ; que mon Maistre m’a dit souvent, que lors qu’il estoit aupres d’elle, il n’osoit quasi penser à sa passion,