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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/366

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lors que cela arriva : & à peine fut-il seul, que me regardant avec estonnement ; quelle bizarre fortune est la mienne ? me dit-il, Chrisante, d’avoir un Rival qui me poursuit par ses bien-faits, & par sa generosité, jusques à me forcer presque de ne le haïr pas : & qui tout bien intentionné qu’il est pour moy, ne laisse pas de me causer un estrangge desespoir. Il cherche sans doute l’estime de ma Princesse par cette voye : & cherche plus les acclamations publiques que la Victoire. Ha ! s’il est ainsi, disoit-il, combien m’est il plus redoutable, lors qu’il veut conserver ma vie, que lors qu’il la veut attaquer ! Non, non, trop genereux Rival, poursuivoit ce Prince amoureux, je ne sousriray point que tu me surmontes en vertu : & je suis resolu de te disputer aussi opiniastrément l’estime de Mandane, que je t’ay disputé la Victoire, à la teste d’une Armée. Ouy, Chrisante, adjoustoit il en me regardant ; je veux que ma Princesse n’entende jamais dire que le Roy de Pont à fait une belle action : qu’elle n’aprenne en mesme temps, qu’Artamene en a fait une autre encore plus heroïque. Je veux que du moins il se fasse un combat secret dans le cœur de Mandane, où il Roy de Pont ne me puisse vaincre avec justice. Si l’inclination de ma Princesse ne panche de son costé, & ne me surmonte plustost son merite.

Apres cela, Seigneur, je voulus luy dire quelque chose, mais il ne m’escouta pas : le lendemain il tint Conseil de Guerre ; & quoy que selon l’ordre, il falust se contenter d’empescher l’Ennemy d’aller faire lever le siege que faisoit Philidaspe, en cas qu’il se mist en devoir de le vouloir faire ; il ne pût se resoudre d’aider à la gloire de celuy-cy ; ny de laisser plus long temps le Roy de Pont en estat