Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/367

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d’avoir eu l’avantage de donner la derniere marque de generosité extraordinaire. Il fit donc si bien par cette eloquence forte & puissante, que la Nature luy a donné, & qu’il a beaucoup cultivée en Grece : qu’il fit resoudre tous les chefs de son Armée à forcer l’Ennemy de combattre : qui de son costé, comme je vous l’ay desja dit, en avoit aussi l’intention. Vous pouvez juger, Seigneur, que deux ennemis qui se cherchent, se rencontrent facilement : c’est pourquoy Artamene ne fut pas long temps sans avoir la satisfaction qu’il desiroit. Mais admirez, Seigneur, ce que peut le desir de la gloire, dans une ame vrayement genereuse ! Artamene qui sur l’advis que le Roy de Pont luy avoit donné, de la conjuration faite contre sa vie ; avoit pris les plus belles & les plus magnifiques Armes du monde, afin de se faire mieux remarquer à ceux qui le cherchoient. Dans cette derniere rencontre, aprenant que ceux qui le reconnoistroient, ne le combattroient, ny avec l’Arc ny avec le Javelot, & ne l’attaqueroient que seul à seul : il quitta ces belles Armes, & en prenant de toutes simples, afin de n’estre pas reconnu ; il acheva sans doute de montrer à toute la Terre, que personne ne le pouvoit vaincre en generosité. Seigneur, luy dis-je le matin comme il commença de s’armer, voulez vous cacher tant de belles actions que vous faites, sous des armes si peu remarquables ? il faut bien, me dit-il, Chrisante, que je me cache en cette occasion, si je me veux montrer digne de la grace que l’on m’a voulu faire : Mais, adjoustay-je, Seigneur, ne craignez vous point d’oster le cœur à vos Soldats, faisant qu’ils ne puissent vous distinguer, dans le grand nombre