Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/405

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que ma vie ne soit pas encore fort avancée ; peut-estre qu’en tant de voyages que j’ay faits, n’ay-je pas esté absolument insensible à cette passion. Ainsi mon cher Aglatidas, luy dit-il, si vous avez dessein de me consoler dans mes infortunes, faites que je sçache les vostres, & n’apprehendez pas je vous en conjure, de ne trouver point de compassion dans mon ame : qui toute accablée qu’elle est de sa propre douleur, ne laissera pas d’estre sensible pour la vostre. Aglatidas fut encore quelque temps à se deffendre : mais enfin vaincu par les prieres d’Artamene, & par les persuasions d’Andramias, qui avoit esté tesmoin de toutes ses disgraces ; il commença de parler cette sorte : apres que ce Capitaine des Gardes eut donné tous les ordres necessaires, pour n’estre ny descouverts, ny interrompus.

H I S T O I R E
D’ A G L A T I D A S,
E T   D’ A M E S T R I S.


I’Ay entendu dire bien souvent, que l’amour est une passion, qui se sert de toutes les autres ; qui les fortifie ou qui les affoiblit, selon les occasions qui s’en presentent ; & qui ne les chasse jamais si absolument d’une ame, qu’il n’y reste tousjours quelques marques de leur ancienne domination. Il