Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/408

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des Arisantins, avec la fille du plus grand Seigneur de ce Païs là, revint à Ecbatane, & amena avec luy une fille unique qu’il avoit, âgée de quinze ans, qu’il aimoit infiniment, & qui meritoit sans doute de l’estre de cette sorte. Le hazard voulut qu’en ce temps-là metrouvant l’esprit un peu lassé du tumulte de la Cour, & de l’abondance des plaisirs ; je montay à cheval, suivy seulement d’un Escuyer, avec intention de m’en aller pour quelques jours joüir de la solitude, dans une assez belle Maison qu’avoit mon Pere, à deux cens stades d’Ecbatane. Je m’en allay donc assez melancolique, & assez resveur, sans que j’en eusse aucun sujet : & sans avoir autre dessein, que d’aller visiter les Peintures, les Statuës, les jardins, & les Fontaines, de la Maison de mon Pere : afin de retrouver apres la conversation plus douce, quand je retournerois à la Ville. Mais helas Seigneur, que je sçavois peu ce qui me devoit arriver en ce voyage ! & que je me suis estonné de fois depuis ce temps là, du soin que je pris, de m’enchainer moy mesme ; & du chemin que je fis pour aller chercher ce qui a troublé tout le repos de ma vie : Comme j’arrivay à cent pas d’une grande route, qui conduit jusques à la porte du Chasteau, je vis un Chariot renversé, dont l’essieu estoit absolument rompu : & qui par sa magnificence tesmoignoit estre à une personne de qualité. Mais comme il n’y avoit aucuns valets aupres de ce Chariot, pour sçavoir à qu’il estoit, je continuy d’avancer : estant arrivé à la premiere porte du Chasteau, le Concierge qui me l’ouvrit, me dit qu’Artambare dont je connoissois assez le nom & la condition, s’en allant à Ecbatane ; avoit eu le malheur qu’un de ses Chariots s’estoit rompu : si bien que